jeudi 25 février 2016

Utiles, oui, mais égaux?

On m'a reproché dans mon dernier billet d'avoir osé comparer les parents et les non-parents. Beaucoup de gens sont désormais prêts à admettre que les non-parents puissent avoir une certaine utilité dans la société et qu'enfanter n'est pas la seule manière d'être utile. (Je dis beaucoup, mais ma boîte de courriel remplie de messages d'insultes me rappelle que ce n'est pas encore tout le monde qui est prêt à comprendre que le non-désir d'enfant peut être légitime et qu'il est réellement possible pour une femme de « réussir » sa vie sans enfants.) Par contre, sous-entendre que les non-parents puissent être égaux aux parents, alors là, c'est un crime de lèse-majesté.

Trop occupée à changer le monde,
Rosa Parks n'a pas eu d'enfants.
Faudrait quand même pas pousser trop loin.
« Oui, oui, vous avez le droit de pas vouloir d'enfants, on peut comprendre, on pourrait même dire que vous êtes quand même utiles à la société, mais vous n'avez pas le droit à la même reconnaissance que les parents, quand même, faudrait pas charrier, là. »

Et pourquoi pas?

Vouloir l'égalité ne veut pas dire que nous soyons en tous points identiques. Je crois très important que les hommes et les femmes soient (un jour) égaux. Cela ne veut pas pour autant dire que je crois que les hommes et les femmes soient identiques. Vous me voyez venir, n'est-ce pas? Je crois sincèrement que les parents et les non-parents sont tout aussi utiles à la société. Pas de la même manière, évidemment.

Et je vais même aller plus loin en affirmant que le droit à le reconnaissance n'est pas l'apanage des parents. J'en ai un peu ras-le-bol du discours de certaines (parce qu'on s'entend, même en 2016, ce sont encore les femmes qui se tapent le gros du travail d'élever des enfants) qui croient que tout leur est dû parce qu'elles ont eu des enfants. Wô menute. Avoir des enfants, comme ne pas en avoir, est un choix.

Tous les non-parents sont aussi riches
qu'Oprah Winfrey, c'est bien connu.
Dans mon dernier billet, j'ai parlé de la contribution économique des non-parents à la société. N'étant pas économiste, je me suis basée sur les recherches de Lucie Joubert (dans son excellent L'envers du landau) et de Laura Carroll (dans le tout aussi excellent Baby Matrix) pour jeter de la lumière sur certains faits que personne ne mentionne sous peine de se faire jeter des pierres. Mais oui, c'est un fait, (tsé, même Gérald Filion et Radio-Can l'affirment)  les non-parents contribuent financièrement pour de nombreux services sociaux dont ils ne se prévaudront jamais. Et je le répète une deuxième fois : ça ne nous dérange pas. C'est le principe même de notre société. Tout le monde paye pour le système de santé, même ceux qui ne sont jamais malades. Et c'est ben correct de même. Mais tsé... on pourrait, nous aussi, demander un peu de reconnaissance pour notre apport à la société.



« Mais noooon, tu pousses trop loin, Magenta. Bon, on te permets de pas avoir d'enfants, on dit que t'es peut-être utile, tu vas quand même pas faire une Bianca Longpré de toi et dire qu'on t'en doit une. » Ben non! Personne ne me doit quoi que ce soit. Et en retour, je dois fuck-all aux parents itou.


Betty White applaudit les non-parents
comme elle.
Quand je parle de reconnaissance, je ne dis pas qu'on devrait ériger des monuments en notre nom, que le gouvernement devrait baisser nos impôts, que les parents devraient s'incliner bien bas devant nous. Pantoute. Mais j'aimerais bien que les gens arrivent à reconnaître (d'où le mot reconnaissance, z'aviez compris?) nos différentes contributions au monde dans lequel nous vivons. De la même manière que les non-parents reconnaissent qu'élever des enfants est très demandant et demande beaucoup de temps et d'énergie. Par exemple.

Bref personne ne doit rien à personne, sauf un modicum d'empathie. Parce que l'empathie, ça ne doit pas être à sens unique, vous savez. Ce n'est pas qu'à moi de dire à une collègue nouvelle maman : « Pauvre toi, t'as pas beaucoup dormi, la nuit dernière. Ça doit pas toujours être facile, hein? » On peut aussi me dire : « Man, ça doit pas être facile à tous les jours de te faire ramasser sur Internet dès que tu dis que tu veux pas d'enfants. » Un exemple, de même. Je sais pas trop où je l'ai pris, celui-là.

Katharine Hepburn te juge, non pas
parce qu'elle a pas eu d'enfants,
mais parce qu'elle est tannée
de cette guéguerre saugrenue.




Fait que on peut-tu enterrer la hache de guerre une bonne fois pour toutes et arrêter de comparer point par point chaque seconde de la vie d'un parent et d'un non-parent pour savoir qui est le plusssssse meilleur être humain ever? Tout le monde sur cette terre a de la valeur. Tout le monde est utile. Tout le monde est (ou devrait être) égal. Point à la ligne. Chantons Kumbaya autour d'un feu de camp, prenons-nous par la main pis Give Peace a Chance, 'stie.


5 commentaires:

Geneviève a dit...

Merci! ;)

Berry a dit...

C'est rassurant de voir quelqu'un qui envisage les points de vue des deux partis. En tant que chidlfree, j'ai souvent reprocher le manque d'empathie dont chaque "clan" peut parfois faire preuve. Je suis heureux de voir qu'il y en a qui savent se montrer compréhensif. L'article met le doigt sur des points qui méritent d'être partagés et mis en exergue à plus grande échelle.

fleurjo a dit...

Ton dernier paragraphe m'a fait rire! Merci de t'exprimer sur la non-parentalité, avec respect et en considérant les deux côtés de la médaille, sans hargne. J'ai 30 ans et je commence à être dérangée par les "Tu es encore jeune, tu as le temps de changar d'idée"... Jusqu'à maintenant, ça ne m'agresse pas vraiment, ça m'agace tout au plus. Mais je sens que dans 5 ans, 8 ans, je vais en avoir un peu marre de me faire dire la même ritournelle... ou même plus insidieux que ça...
Bref merci pour ta plume, ça fait du bien!!!

E. Berlherm a dit...

La vie et tout ce qui va avec nous ont été imposés. Avec la vie va la féminité ou la masculinité. Nous sommes hommes ou femmes parce qu'on nous l'a imposé. Doit-on accepter sans broncher ce que des dictateurs nous imposent qu'ils soient les parents, la Nature, ou autre divinités stupide? Et d'ailleurs de quel droit une personne peut-elle imposer à une autre personne d'exister? De quel droit peut-on prendre le risque d'imposer la souffrance à autrui? Imposer la vie c'est imposer la souffrance et la mort qui vont avec, de quel droit imposer souffrance et mort à une autre personne? Les animaux se reproduisent, les êtres intelligents ne se donnent pas le droit de fabriquer une personne comme l'a fait le docteur Frankenstein.

E. Berlherm a dit...

On nous impose d'exister, tel que nous sommes, QI, QP, QE, nous n'avons rien demandé. On nous enregistre dans la société sans notre accord, et il faudrait travailler pour la société. Nous naissons esclaves, c'est-à-dire pour rendre service aux parents et au système, pour remplacer les morts. Et ensuite il faut "gagner sa vie", c'est-à-dire acheter son corps quotidiennement, ce qui est encore de l'esclavage. Et tout le monde approuve!!!